Football: combien vaut ce joueur ? Le casse-tête des clubs formateurs

Football: combien vaut ce joueur ? Le casse-tête des clubs formateurs

Agence France Presse, Frédéric GARLAN, le 25 janvier 2019

Combien vaut mon effectif professionnel ? Pour les clubs formateurs dont s’enorgueillit le football français, la réponse du comptable est bien décevante : le plus souvent, pas grand-chose.

Nombre de solutions existent pour tenter de donner une image plus juste de la situation mais une seule, celle de Ginkyo Ratings, a été élaborée dans le cadre d’un dialogue avec Bercy sur « la valorisation du patrimoine immatériel des entreprises »

La pratique comptable considère le montant du transfert d’un joueur comme un actif, figurant au bilan du club acquéreur. Mais le jeune joueur issu du club, formé à grands frais, n’a, lui, aucune valeur jusqu’à sa cession.

Le bilan comptable du club formateur ne reflète donc pas sa vraie richesse… ce qui complique sa tâche lorsqu’il doit voir ses banquiers pour financer ses investissements, relève Pierre Caillet, le fondateur de Ginkyo.

La question de la valorisation des joueurs est d’autant plus centrale que les clubs professionnels ne sont généralement pas propriétaires de leur stade. Les joueurs sous contrat représentent une part fondamentale de leur actif.

« Les clubs ont bien conscience que leur santé financière repose sur la qualité des investissements consentis dans leurs centres de formation« , explique M. Caillet à l’AFP.

Contrairement aux outils utilisés par la profession, comme les sites allemand TransferMarkt, qui repose sur les votes des internautes, ou suisse CIES, dont les algorithmes moulinent les données fournies par les statisticiens du sport, la méthodologie de Ginkyo se veut « transparente, indépendante et vérifiable à tout moment ».

Un atout face aux géants de la comptabilité comme KPMG qui vient de dévoiler sa propre méthode d’évaluation, basée elle aussi sur le traitement de données sportives.

– 200 indicateurs –

Depuis cinq ans, pour les cinq grands championnats européens, Ginkyo évalue deux fois par an les capacités des joueurs dans sept domaines: santé, physique, relationnel, technique, tactique, potentiel et mental…

Critères qui se décomposent en quelques 200 indicateurs – comme « qualité de la conduite de balle » ou « lecture du jeu » – notés par des évaluateurs indépendants, ex-entraîneurs ou joueurs professionnels. Ginkyo en rémunère une quinzaine, parmi lesquels Raymond Domenech ou Eric Carrière. Un deuxième collège est formé de responsables du club.

« On décompose toutes les compétences d’un joueur jusqu’à arriver à des composantes mesurables« , relève M. Caillet, dont la société est classée « jeune entreprise innovante » par l’Etat.

« On intègre aussi des données statistiques, mais notre approche qualitative va bien au-delà de ce qu’on peut voir sur les terrains« .

« Un très bon joueur, c’est un joueur qui est bon partout« , pas seulement sur les critères purement sportifs.

Des formules mathématiques, développées par l’institut de recherche lyonnais Camille Jordan, pondèrent les résultats en fonction de la nature du poste et éliminent les notes extrêmes.

Ginkyo confronte ensuite pour chaque joueur la valeur prédite par son modèle et le prix effectif de son transfert, ce qui permet d’affiner encore ses critères.

– « Les stats, ça ne fait pas tout » –

Cette méthodologie a été élaborée en étroite collaboration avec le premier client de Ginkyo, l’OL. Un club à la tête du deuxième meilleur centre de formation d’Europe et coté en Bourse.

En comptabilité classique, l’effectif de l’OL « valait » 82 millions d’euros à la fin juin. Evalué par Ginkyo, il monte à 395 millions d’euros !

« Un chiffre élaboré par une méthode validée par des instances sérieuses« , souligne Vincent Ponsot, directeur général adjoint de l’OL. « Les stats, ça ne fait pas tout. Ca ne donne pas l’état d’esprit du joueur. Pour moi, c’est la grosse différence avec les autres outils disponibles ».

La méthodologie de Ginkyo pourrait être dupliquée à d’autres sports, notamment au rugby « où les dirigeants préfèrent ne pas investir dans la formation et choisissent de recruter des Fidjiens », avec les conséquences que l’on sait sur les résultats de l’Equipe de France…

Mais avec ses moyens limités, cette toute petite société de trois personnes entend d’abord se concentrer sur la Ligue 1, quelques grands clubs européens et le marché anglais où la culture de la « juste valeur » comptable est beaucoup plus ancrée qu’en France.

« Le monde du football est traditionnellement assez opaque. Nous essayons d’y amener de la transparence« , résume M. Caillet.


Depêche AFP