Elle se définit comme étant la première agence française de mesure de la juste valeur financière des joueurs de football. La société lyonnaise Ginkyo Ratings a développé une méthodologie scientifique basée sur 200 indicateurs permettant ainsi d’obtenir des données précises et précieuses à inscrire au bilan comptable des clubs professionnels. L’Olympique Lyonnais et l’OGC Nice ont déjà été séduits. Entretien avec Pierre Caillet, directeur des méthodes de l’agence, qui en donne les contours.
Acteurs de l’économie-La Tribune. Pourquoi créer une agence pour mesurer la juste valeur financière des joueurs de football ?
Pierre Caillet. L’équilibre financier des clubs de football est très dépendant de la performance sportive, autrement dit, c’est le fait de gagner le maximum de matchs qui fait loi : dans ce contexte, le capital humain-joueur est le principal actif des clubs de football.
Les clubs de football français disposent d’un immense atout : la qualité reconnue de leurs centres de formation. Ces derniers permettent de créer de manière endogène le capital humain-joueur d’aujourd’hui et de demain. Or, au bilan, il est encore que très partiellement reconnu.
Une meilleure prise en compte de celui-ci est d’autant plus difficile qu’il n’existe guère de méthodologie satisfaisante pour l’évaluer et que la doctrine comptable exclut du bilan des clubs, le capital humain-joueur créé en interne (issus du centre de formation). Il s’agit ici d’une démarche nouvelle.
Qu’est-ce que la juste valeur du capital humain-joueur ?
La juste valeur d’un joueur de football s’entend comme le montant qui pourrait être obtenu par le club, à la date de clôture annuelle, pour la vente dudit joueur lors d’une transaction conclue avec un autre club à des conditions normales de marché. La valeur considérée n’est pas celle du joueur en tant qu’être, mais celle de l’activité sportive qu’il peut produire au sein de l’équipe.
Cette juste valeur est reconnue par tous à l’intérieur des clubs. Mais comme les états financiers ne recensent que les flux de trésorerie, ils n’en reflètent qu’une infime partie. En conséquence, à « l’extérieur », les actionnaires, les investisseurs ainsi que les analystes financiers en ont une vision parfois un peu floue et souvent minimaliste.
Vous définissez le capital humain-joueur, autrement dit des joueurs professionnels qui composent l’effectif d’une équipe de football, comme d’une richesse cachée. C’est-à-dire ?
Le cas particulier des mutations des joueurs de football professionnels autorise les clubs à valoriser à titre d’actifs incorporels les contrats joueurs. Cette comptabilisation correspond à l’acquisition par le club d’un droit contractuel dont l’activité professionnelle du joueur fait l’objet. Étant entendu que le coeur de la production de la prestation des clubs est assuré par les joueurs. Mais la comptabilité a ses limites. Il y a en effet un paradoxe qui consiste à comptabiliser le capital humain-joueur acquis d’une certaine manière et celui créé d’une autre. Celui acquis par le club, (les joueurs achetés lors des mercatos), est activé au bilan à son coût d’acquisition et amorti sur la durée du contrat, alors même que le joueur poursuit généralement son ascension professionnelle. Celui créé par le club (joueurs issus du centre de formation), n’est, quant à lui, pas comptabilisé, car il n’a fait l’objet d’aucune transaction financière.
En conséquence, l’essentiel de la valeur du capital humain-joueur échappe à la normalisation comptable. Ainsi, selon une étude que nous avons réalisée en 2017, la conséquence est sans appel : sur le terrain de la finance, les clubs de football formateurs jouent avec seulement 14 % de leur effectif…
Pour les clubs de football, quels sont les enjeux de cette évaluation et de cette comptabilisation ?
L’établissement d’états financiers en prenant en comptes cet aspect est un exercice nouveau rendu possible par l’application du Standard Thesaurus-football, développé en interne. Il s’agit de comptabiliser le capital humain-joueur pour son montant réévalué correspondant à sa juste valeur à la date de clôture.
Cette innovation s’inscrit dans le cadre de la démarche impulsée en 2011 par la ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde. Un exercice réalisé pour la première fois pour un club de Ligue 1, en l’occurrence l’Olympique Lyonnais, le 30 juin 2016 (date de clôture du bilan) et permettant de compléter et d’enrichir les états financiers du club. Avec une description plus précise et plus conforme à la réalité, la comptabilisation du capital humain-joueur a pour enjeu principal d’enrichir la communication financière du club avec des informations importantes et significatives. Il s’agit notamment de sécuriser les relations du club avec ses actionnaires qui ne prennent pas suffisamment en compte les plus-values latentes.
Le football est-il un cas particulier en matière de comptabilisation du capital humain-joueur ?
Sur le terrain du sport professionnel et notamment le football, les joueurs sont liés à leurs clubs par des contrats spécifiques limités dans le temps qui renforcent la notion de contrôle et « d’appartenance ».
Ces caractéristiques correspondent ainsi à la définition d’un actif incorporel telle que le définit IAS 38 et IAS 36. Cependant, une telle reconnaissance n’est admise que lorsque le contrat est le résultat d’une transaction financière. Les joueurs formés par le club ne sont donc considérés comme des actifs incorporels, alors même qu’ils sont sous contrats avec le club qui les emploie et que par ailleurs, ils sont le résultat d’investissements importants (centre de formation). Ce raisonnement peut cependant s’expliquer par une incapacité technique à mesurer, évaluer et valoriser de manière fiable et auditable, la juste valeur financière du joueur sans qu’il n’ait fait l’objet de transactions. L’application du principe de prudence qui se traduit par l’amortissement systématique du contrat joueur sur la durée du contrat peut s’expliquer de la même manière.
Quelle est la méthode d’évaluation et de valorisation financière de la juste valeur des joueurs de football ?
Nous nous attardons d’abord à identifier les éléments constitutifs de ce capital. Nous avons donc procédé à la construction d’un référentiel commun d’évaluation composé d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs normés. Au final, ce référentiel d’évaluation comprend quelque 200 indicateurs décrivant, pour chaque poste (attaque, milieu, défense), sept catégories d’actifs (capitaux). A chacun de ces indicateurs, une note sur une échelle de mesure est attribuée par un collège d’évaluateurs indépendants. La méthode utilisée permet ainsi d’objectiver des critères qui jusqu’à présent étaient considérés comme subjectifs. Tous ces indicateurs de notation sont quantitatifs, étalonnés, pondérés et adossés aux valeurs de marché des joueurs (BIG 5) sur les cinq dernières années. Ces informations constituent la base de données de référence. Nous avons ensuite mesuré la relation entre les indicateurs synthétiques obtenus et les valeurs de marché des joueurs. Et avons mis en évidence une relation étroite entre les qualités humaines, les compétences clés et les valeurs de marché. Après avoir réalisé un grand nombre de tests d’impacts, nous sommes arrivés à la formulation d’un modèle mathématique robuste de valorisation. La particularité de ce modèle mathématique de valorisation financière est son interprétabilité qui autorise son auditabilité par des tiers. Cette spécificité autorise la publication d’un bilan financier extracomptable avec prise en compte du capital humain-joueur.
Comment se présente le bilan financier d’un club de football avec ce nouvel élément ?
La doctrine comptable empêche la publication du bilan et du compte de résultat incluant le capital humain-joueur. Mais rien n’empêche les clubs de football de le faire dans leurs rapports annuels sur deux documents différents. L’IC-Report Football se présente ainsi comme un rapport financier extracomptable, dédié au capital humain-joueur. Il permet de révéler son existence que la comptabilité ne permet pas
d’inscrire au bilan. Il s’agit bien là d’un enrichissement du bilan du club. Au final, l’activation du capital humain-joueur entraîne une augmentation du total de l’actif du club et en contrepartie, une augmentation des capitaux propres.
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