Combien coûte vraiment un joueur de foot? Une start-up lyonnaise a la réponse
Par Jean-Baptiste Bernardeau, publié le 26 février 2019 – LE FIGARO Économie
En collaboration avec l’Olympique lyonnais, Ginkyo Ratings a développé un outil comptable inédit permettant de mesurer la «valeur immatérielle» d’un joueur professionnel de football, sans se baser uniquement sur ses statistiques. Une initiative saluée par les clubs formateurs.
C’est bien connu, l’argent est le nerf du football moderne. Il s’agit même de la préoccupation première des présidents de club, qu’ils soient grands ou petits. Les clubs formateurs, notamment, subissent les conséquences d’un paradoxe comptable. Les bilans financiers des clubs du championnat de France prennent en compte la richesse acquise, liée à l’achat d’un footballeur, et non la richesse créée, celle du joueur issu du centre de formation. Ces derniers ne font l’objet d’aucune écriture comptable. En moyenne, on estime à seulement 20% la part de l’effectif présent dans le bilan comptable d’un club.
Cette règle comptable affaiblit considérablement l’actif des clubs et rend leur financement difficile. Une innovation développée par une petite entreprise lyonnaise entend répondre à ce casse-tête comptable. Ginkyo Ratings, structure de trois salariés, propose depuis quelques années d’intégrer la «valeur immatérielle» des footballeurs dans le bilan des clubs.
Ce qui est «dans la tête du joueur»
La start-up, initialement spécialisée dans la mesure du capital immatériel en entreprise, s’est rendu compte de la problématique des clubs formateurs lors d’une rencontre impromptue à Bercy avec les dirigeants de l’Olympique lyonnais. Pendant trois ans, Ginkyo Ratings et l’OL vont collaborer pour l’élaboration d’un nouveau modèle mesurant le capital humain des joueurs. Et ils y sont parvenus.
L’objectif affiché est de quantifier tout ce qui est «dans la tête du joueur», en dehors de ses performances sportives. «Les stats, ça ne fait pas tout. Ça ne donne pas l’état d’esprit du joueur», souligne Vincent Ponsot, directeur général adjoint du club de Lyon. «On ne peut réduire la qualité d’un joueur à sa qualité sur le terrain», il faut la considérer «au-delà de ses résultats statistiques», complète Pierre Caillet, responsable de Ginkyo Ratings. En dehors des buts marqués, des passes décisives et du nombre de dribbles réussis, la valeur du joueur est extrasportive. La principale difficulté repose alors sur la fiabilité de la mesure.
Une évaluation indépendante
Sept grandes caractéristiques sont analysées: la santé, le physique, le relationnel, la technique, la tactique, le potentiel et le mental. Ces différents domaines sont eux-mêmes subdivisés en plus de 200 critères d’étude. La catégorie «mental» permet d’évaluer le joueur à l’aune de son attention, de sa concentration ou encore de sa motivation. La régularité des performances, la capacité à se dépasser et – plus surprenant – le rôle joué par la famille du joueur sont également pris en compte. Le «relationnel» recouvre, quant à lui, l’hygiène de vie du joueur, son autonomie sociale (adaptation à d’autres clubs), sa capacité à montrer l’exemple à ses coéquipiers sur et en dehors du terrain.
L’étude de ces caractéristiques est menée par des ex-entraîneurs ou joueurs professionnels, comme Raymond Domenech ou Éric Carrière. Des responsables du club étudié y participent également. À l’arrivée, le modèle affiche la valeur immatérielle de chaque joueur évalué. Ainsi, selon les règles de la comptabilité classique, l’effectif de l’Olympique Lyonnais était estimé à 82 millions d’euros fin juin 2018. La méthode de Ginkyo Ratings augmente de plus de 380% la valeur du même effectif, à 395 millions d’euros!
Ce montant vertigineux ferait rêver plus d’un président de club, mais peut-on raisonnablement penser que la totalité des professionnels du football adhéreront à ce système? Pierre Caillet, lui, se montre optimiste. Reconnu officiellement par Bercy, le modèle d’évaluation développé par sa start-up est présenté depuis plusieurs années aux clubs de football français. Une mise en place globalisée permettrait, selon lui, de redresser les comptes de nombreuses formations de Ligue 1 et d’élever les bilans à la hauteur de leurs ambitions sportives. Au-delà de l’équilibre financier retrouvé, les clubs pourraient également être en mesure d’attirer des investisseurs étrangers.
La méthodologie de Ginkyo pourrait aussi être appliquée à d’autres sports, notamment au rugby. En attendant, la start-up lyonnaise effectue ses démarches auprès des membres de la Ligue 1, de quelques grands clubs européens et sur le marché anglais.
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